mercredi 4 avril 2012

L'avion a prévu...

Hier soir, de retour du sud-ouest, un échange inhabituel sur Paris Contrôle attire notre attention, à mon collègue et à moi.

Le contrôleur a l'air surpris qu'un avion n'ait pas encore commencé sa descente, et s'inquiète de savoir s'il sera bien stable au niveau exigé avant d'atteindre son IAF. Le pilote le rassure en lui disant que le contrat sera respecté.

Quelques minutes plus tard :

Paris Controle : XXX, il ne vous reste que 4 minutes pour perdre 12 000 pieds...
XXX : Oui oui, l'avion a prévu la descente dans... 10 secondes !

Avec mon collègue, on s'est regardés, et chacun a lu dans le regard de l'autre la même surprise d'entendre ce "L'avion a prévu".


Les gros navions ne sont pas les seuls à proposer aux pilotes un Top Of Descent (TOD), même notre vieux Beech 200 mal équipé, dont le seul équipement moderne est un GPS, saura nous signaler (via le Garmin) : "Approaching VNAV profile".

Mais le TOD, ce n'est pas l'avion qui le prévoit, ce sont les pilotes. Ca pourra être celui proposé par l'avion (et ça le sera peut-être plus souvent dans le cas d'un avion moderne que dans notre cas), ou ça sera avant, ou après, mais la décision, c'est celle des pilotes, pas de l'avion.

Ho, on s'est bien douté que nos collègues partagent ce point de vue, qu'ils ont décidé eux même de leur TOD, et que tout ça n'est finalement qu'une question de rhétorique, mais quand même, les mots ont leur importance et sont parfois révélateurs. Qui pilote qui, dans l'avion ? Les pilotes commandent à l'avion, ou l'avion commande aux pilotes ?

La formulation "L'avion a prévu" n'est-elle qu'une maladresse de langage, ou est-elle révélatrice d'une habitude de trop se reposer sur les automatismes des avions modernes ? Ou est ce qu'on s'est trop pris la tête à la fin d'une longue mission rendue compliquée par les grèves ?

Pour éviter les incompréhensions :

- Je ne critique pas le calcul du TOD par l'avion, je ne suis pas contre la modernité (et d'ailleurs mon avion le fait aussi d'une certaine façon)
- Je ne critique pas les gros avions, j'ai hâte d'en faire aussi, donc ce n'est pas mon propos

6 commentaires:

Oliv a dit…

Rien de bien choquant... Le TOD calculé par le FM est souvent précis, laisse un peu de marges et est très proche de celui que l'on calcule nous même sur ces grosses machines!
Sans oublier qu'avec les créaneaux du moment, certains équipages épuisés se reposent beaucoup plus sur les automatismes (140 PAX en furie en cabine c'est assez stressant à gérer, sans parler d'un créneau qui n'arrête pas de bouger dans le mauvais sens...). Donc oui, dans ces cas là on se repose beaucoup sur les automatismes, non sans vérifier ce que fait l'avion!

passiondesavions a dit…

Je souris car bien souvent comme vous n'êtes pas seuls à voler, c'est les contrôle qui vous demandera de commencer votre descente, bousculant tous vos calculs ;-)

LJ35 a dit…

Je ne dis pas que le TOD calculé par le FMS n'est pas précis. Dans le Beech aussi, on a un TOD calculé par le GPS (moins précis, certes).

Mais la question n'est pas là... Je me demandais juste si la formulation n'était pas révélatrice de quelque chose (ou pas).

LJ35 a dit…

Xavier > Ca n'est pas très grave. Le calcul du TOD a surtout pour but d'éviter de commencer la descente trop tard et d'être emmerdé ensuite.

Que le contrôle nous fait commencer la descente AVANT le TOD ne pose donc pas de problème et ne bouscule pas grand chose !

jeplane a dit…

Effectivement, il y'a peu de doute que lea pilotes se reposent trop sur l'automation. A un point ou le pilotage basic se perd de plus en plus.
J'ai la chance de sauter d'un 172, a un DC-3, un planeur, et finalement sur un Citation Sovereign que je pilote pour ma boite. Je vois bien la difference avec mes collegues, qui ne volent que sur ce Citation. Leurs phraseologies lorsqu'on se pose sur un terrain non controle, n'est pas terrible par example.
Dans le cas de ce dernier blog, il faut comprendre l'incredulite d'un controlleur qui soit surpris qu'un avion veuille desecndre a 3000ft/mn. C'est peut-etre de l'automation " precise", mais c'est bien en effet le pilote qui gere l'ordinateur (FMS), et c'est surement lui qui peut entrer des erreurs dans le programme.
En conclusion, oui, ce sont les temps modernes qui font que les pilotes disent que l'avion decide, ou l'orsque ATC annonce un traffic, ces memes pilotes annoncent qui l'ont dans le TCAS, oubliant peut-etre de regarder dehors... Il est temps de retourner au pilotage de base....

Pierre-Hugues a dit…

Ca me dérange d'entendre ce genre de phrases en fréquence (et c'est rare), car je pense que ce ne peut être un simple abus de langage. Ca cache forcément une disposition mentale.
Etat d'esprit que je mettrais bien en parallèle avec un accident survenu il y a 3 ans bientôt sur l'atlantique, où les pilotes n'ont pas su détecter un décrochage (ou n'ont pas su le gérer, ce qui serait pire). A force de se sortir de la boucle du pilotage pour se poser en "gestionnaire du vecteur déplacement" on voit apparaitre de graves dérives.

Concernant la précision des TOD calculés par le FMS, Ils ne sont pas plus précis que ceux de ton GNS400 mon cher LJ35. L'un comme l'autre sont nourris par la prochaine contrainte d'altitude et la contrainte de pente. dans ta page de setup du VNAV, tu choisis d'être à XXXX ft YYY Nautiques Avant/après un point du plan de vol (ta contrainte) et de descendre à ZZZZ ft/min. Le GPS travaille sur son ETE/ETA déduite de la distance. Sur les FMS en général la différence est qu'il travaille direct sur la descente et une pente en degrés (en tout cas sur le mien). c'est aussi précis.