jeudi 31 mars 2011

Douglas Bader, héros sans jambes de la Bataille d'Angleterre

Tout à l'heure, je suis tombé sur le site de TF1 sur un reportage à propos d'un GI qui avait sauté sur une mine en Afghanistan devant une caméra de reporters en janvier dernier. Il avait dû être amputé des deux jambes.

Les deux journalistes sont allés à revoir le sergent Allen dans l'hôpital de Washington où il fait sa rééduction, et où il revoit pour la première fois ses deux filles. On le voit essayer pour la première fois ses prothèses. Ce reportage, émouvant d'ailleurs, m'a rappelé une de mes récentes lectures aéros.

En début de mois, je vous parlais de ma lecture de "Dans le vent des hélices", les mémoires de Didier Daurat. Dans ma série "vieux bouquins aéros", voici le deuxième, "Bader, vainqueur du ciel" :


Comme le dit le rabat de couverture de l'édition de 1954 de ce livre, "l'histoire de Douglas Bader constitue le plus étonnant exemple de volonté et d'énergie que nous offre l'époque contemporaine".

Après une enfance assez difficile, Bader entre à 18 ans dans la RAF, en 1928. Il se fait vite remarquer pour ses qualités de pilotage. En 1931, il participe, devant des centaines de milliers de personnes, à un meeting aérien qualifié par le Times de "l'exhibition la plus parfaite qu'on ait jamais vue à Hendon".

Le 14 décembre 1931, à l'issue d'un tonneau réalisé à basse altitude, l'aile de son avion accroche le sol, et il s'écrase. Ses jambes sont broyées. On le croit perdu, mais le hasard fait qu'un des meilleurs chirurgiens du pays est présent à l'hôpital ce jour-là. Une infirmière le rattrape alors qu'il s'apprêtait à s'en aller.

Le professeur Joyce doit amputer Bader des deux jambes pour éviter la gangrène. Le choc opératoire est presque fatale à Bader, mais sa solide constitution le sauve. Il se fait faire des prothèses, et réussit, dès son premier essai, à marcher avec, sans canne, à la stupéfaction du fabricant, qui lui dit : "Dans toute ma carrière, je n'ai vu un unijambiste réussir à faire ce que vous venez de faire : marcher seul le premier jour. Vous entendez bien, je parle d'unijambiste, alors que vous n'avez plus de jambes du tout !"

Rapidement, Bader arrive à conduire sa voiture avec ses prothèses. Puis il convainc le sous-secrétaire d'Etat à l'Air de le laisser faire un vol en double commande sur un avion école. Bader le pilote seul, l'ami qui l'accompagne dans l'avion n'ayant pas touché aux commandes. Il pilote plusieurs fois en cachette, mais quand il demande sa réintégration dans le personnel volant de la RAF, elle est refusée. Ses capacités au pilotage sont admises, mais réglementairement, il n'est pas possible de le laisser voler, son cas n'étant pas prévu !

En 1939, quand la guerre éclate, la RAF, manquant de pilotes, l'accepte finalement dans ses rangs. Pendant la bataille d'Angleterre, les techniques mises au point par Bader jouent un rôle non négligeable dans le succès de l'aviation anglaise. Il monte vite en grade et finit par commander cinq groupes de chasse (plus de 60 avions).

Le 8 août 1941, il est abattu par un Messerchimtt au-dessus de Saint Omer, saute en parachute et est fait prisonnier. Les Allemands lui réparent une de ses prothèses, abimée pendant son saut, mais l'autre a été perdue. Il suggère alors aux Allemands de demander aux Anglais de lui en parachuter une nouvelle !

La Luftwaffe, avec l'accord de Goering, entre en contact avec Londres, proposant de laisser le passage à un avion anglais qui devra suivre un cap convenu et larguer la caisse contenant les prothèses au-dessus de Saint Omer.

En attendant, Bader est invité à prendre le thé avec le général Galland, patron de la chasse allemand, et lui-même as avec plus de 100 victoires homologuées. Sur la photo ci-dessous, Bader est au centre, et le général Galland à gauche.


La rencontre est courtoise et Galland montre à Bader un Messerschmidt 109, et l'invite même à s'installer à bord. Les allemands regardent avec une stupéfaction mêlée de respect Bader s'installer à bord (sous la garde d'un officier allemand, pistolet à la main ! Voir en bas à droite de la photo ci-dessous)


Le lendemain, apprenant qu'il va être transféré en Allemagne, Bader réussit à s'évader de l'hôpital, en passant par la fenêtre (située au deuxième étage) et en se laissant glisser le long de draps fixés entre eux !



Il est hébergé par des Français. Quand la caisse contenant les prothèses est larguée par les Anglais (au milieu de bombes, car la RAF a refusé la proposition allemande), et aterrit près de l'hôpital, Bader n'est plus là pour les réceptionner ! (Ci-dessous, un soldat allemand pose, à Saint Omer, avec la caisse contenant les prothèses de rechange de Bader)


Il est malheureusement repris le lendemain par les Allemands, et sera transféré dans un camp de prisonniers en Allemagne, où il restera jusqu'en avril 1945. A peine rentré, il voulut sauter dans un Spitfire pour prendre part aux derniers combats. Il céda face aux demandes de ses supérieurs et, surtout, de sa femme.

La deuxième guerre mondiale a été marquée par de nombreuses figures de pilotes héroïques, mais Douglas Bader occupe définitivement une place à part parmi eux !

mercredi 30 mars 2011

Un an sur Beech

Il y a un an tout juste aujourd'hui, j'effectuais ma première mission comme pilote professionnel. C'était le premier vol que j'effectuais en équipage, en transport public de passagers, et en étant payé pour ça.

Et pour la première fois, je transportais une grosse glacière contenant un organe qui, depuis un an, a transformé la vie d'un patient qui était en attente de greffe.

Depuis, j'ai effectué environ 400 heures de vol en Beech, avec lequel je suis allé me poser sur 64 aérodromes différents (du petit terrain avec agent AFIS au gros aéroport international) dans 11 pays d'Europe et d'Afrique du Nord, à travers les espaces aériens de 15 pays.


La diversité des terrains visités et le fait de pouvoir voler dans pas mal de pays différents est vraiment sympa, en comparaison de petites compagnies régionales dont les pilotes volent sur le même type d'avion que moi, mais font toujours les mêmes 3 ou 4 rotations.

La diversité, je l'ai aussi connue dans le travail en équipage, en volant avec 7 captains, chacun ayant sa personnalité, et avec quelques petites différences dans le boulot, malgré les SOPs.

Dans un an, serai-je encore sur Beech ou sur une autre machine ? Wait and see !

mardi 15 mars 2011

Encore un ami en fréquence

Il y a quelques jours, j'ai profité de mes repos pour aller voler à l'aéroclub. 9 vols répartis sur deux jours. Je termine cette séquence d'instruction par un vol de nuit, envoie mon élève faire quelques tours de piste seul à bord, et après avoir rangé l'avion, je vais au ciné. Ce n'est qu'à 1h30 que je me mets au lit.

Quelques petites heures plus tard, le téléphone pro me réveille. Avant de décrocher, je regarde l'heure : 6h03. Ouille... Ca ne fait pas beaucoup d'heure de sommeil, ça ! 8 heures, on décolle avec deux chirurgiens.

En descente vers Montpellier, on givre et on se fait bien secouer. Il faut bien resserrer le harnais pour ne pas décoller les fesses du siège. Sous la couche, il y a pas mal de plafond, donc l'approche finale sera calme, mais pour le moment, ça remue !

Quelques minutes plus tard, je pose le King Air sur la 13L de l'aéroport de Montpellier-Méditerranée, dégage la piste et roule vers le parking.

Alors que nous entrons sur le parking, j'entends sur la fréquence :

- Il n'y aurait pas Olivier dans le beau Beech qui vient de se poser ?
- Affirm !
- Salut Olivier, c'est S. !
- Salut ! Et bon vol !

S. était dans son Airbus aux couleurs d'Air France et a décollé peu de temps après.


C'est toujours bien sympa, de croiser un ami (pilote ou contrôleur) sur la fréquence, et d'échanger un petit coucou !

samedi 5 mars 2011

Dans le vent des hélices

Depuis que je suis gamin, j'ai toujours aimé lire. Et j'ai toujours aimé les bouquins, dénichés dans le grenier de la maison de mes grands-parents, ou sur les rayons d'une bibliothèque d'une maison de famille, livres plus vieux que moi, aux pages jaunis et sentant bon le vieux papier.

Depuis quelques années, j'ai commencé à réunir des livres anciens autour de plusieurs thématiques : l'aviation bien entendu, mais aussi la marine. Et aussi un troisième sujet (souvent lié aux deux autres d'ailleurs), les récits de guerre, et en particulier la seconde guerre mondiale.

Je cherchais depuis longtemps un ouvrage que je ne trouvais qu'à des prix excessif (50 euros voici quelques mois à la brocante du Bourget, ou encore récemment sur Internet, deux exemplaires vendus respectivement à 78 et 250 euros !).

En début de semaine, je l'ai acheté au prix de 10 euros seulement. Il s'agit des souvenirs de Didier Daurat, "Dans le vent des hélices". C'est une édition de l'époque, imprimée en 1956.


Daurat fut un personnage essentiel de l'aviation française pendant 40 ans, étant successivement pilote pendant la Première guerre mondiale (avec 8 citations), directeur d'exploitation de l'Aéropostale de 1920 à 1932. Il occupa le même poste chez Air Bleu, développant la postale de nuit, avant de terminer sa carrière comme chef du département postal, puis comme chef de centre à Orly.

Son livre est extrêmement riche et je l'ai dévoré en moins de 24 heures. J'y ai appris beaucoup de choses, et notamment une anecdote que je ne connaissais pas. J'ai apprisQuand les lignes aériennes Latécoère demandèrent l'autorisation, en 1930, d'effectuer la première traversée de l'Atlantique Sud en Laté 28, ils la reçurent de façon bien particulière.

Daurat raconte : "Je savais que les autorités seraient plus difficiles à convaincre et j'avais hâte d'obtenir l'autorisation officielle d'entreprendre la traversée. Elle nous parvint enfin, mais sous une forme singulière : elle nous serait adressée à Natal et envoyée par le courrier qui devait être confié à l'hydravion. Ainsi, en cas de réussite, tout serait pour le mieux. En cas d'échec, la lettre ne nous serait jamais parvenue..."

Dans la conclusion de ce livre, Didier Daurat écrit :

"Saint-Exupéry, Mermoz, Guillaumet valent encore plus que leur renommée ; ils font partie de ces êtres rares dont le poids d'homme pèse plus lourd que celui de leur légende. Mais il ne faudrait pas que cette hauteur même constituât un obstacle à l'émulation, qu'elle décourageât ceux qui seraient tentés de les imiter.

Le sauteur auquel on a mis la barre trop haut hésite et se dérobe. Qu'on ne s'y trompe pas. Il existe certainement dans cette génération, comme dans celles qui la précédèrent, des caractères d'exception. ils ne réclament qu'un terrain favorable pour s'épanouir. L'essentiel est de ne pas manquer de leur fournir cette justification de l'action à laquelle ils aspirent. S'il n'y a pas forcément des Mermoz, des Saint-Exupéry ou des Guillaumet, on peut toujours et en toute circonstances créer une morale qui grandissent ceux qui l'appliquent. Tant mieux s'ils étaient nés grands !

Commençons par créer un état d'esprit et l'entretenir. Un jour où l'autre, il donnera naissance à des hommes. Je l'ai bien vu avec les lignes Latécoère et j'ai fourni la preuve qu'il ne s'agissait pas d'un heureux concours de circonstances. Certains doutent qu'une pareille expérience puisse se renouveler aujourd'hui. J'affirme avec force qu'elle est possible demain. (...)

Il n'y a pas de miracles, rien que des réalisations sérieuses animées par le sens de la responsabilité et de respect de certaines disciplines. Saint Exupéry l'avait bien compris lorsqu'il écrivait : "La grandeur d'un métier est peut-être avant tout d'unir les hommes ; il n'est qu'un luxe véritable, c'est celui des relations humaines."

J'ai toujours pensé qu'aucun métier n'unit davantage l'homme et les machines. (...) La technique n'est qu'un moyen. Elle ne saurait être un but (...). Que les navigants d'aujourd'hui ne l'oublient pas. Qu'ils s'inspirent de leurs grands aînés, défricheurs de routes, et se souviennent qu'ils sont tombés pour que la fraternité rayonne plus haut entre les hommes."