mercredi 21 avril 2010

Vol organe sur Lyon dans la pagaille de la reprise des vols

22 heures, le téléphone sonne. "Salut Olivier, on part chercher un organe à Lyon !"

Haaaa ! Près d'une semaine sans voler (professionnellement parlant, j'ai fait de l'instruction entre temps), je commençais à m'encroûter ! J'enfile mon uniforme, et je file au Bourget.

Prévol effectuée, avion propre, catering vérifié. Je vais aux Ops rejoindre mon captain, qui me demande d'appeler la tour pour vérifier que notre plan de vol est bien dans les tuyaux. La tour m'indique qu'il est suspendu, mais rien d'anormal, c'est la procédure ce jour, tous les plans sont suspendus, jusqu'à ce qu'ils soient "dé-suspendus". Ca nécessite 15 mn et des appels un peu dans tous les sens, mais finalement, c'est bon, on peut partir !

23h35, les médecins arrivent. 23h45, je fais rouler le King Air vers la piste 25 tout en faisant mon briefing départ. Décollage, et rapidement, on est autorisés direct vers Moulins, puis vers Lyon. A l'arrière, les médecins se sont endormis, j'éteins donc les lumières en cabine. Nous sommes en croisière au niveau 180 (Lyon, c'est la porte à côté, inutile de trop monter), et bien vite, on commence notre descente vers la capitale des Gaules.

Cette fois, nous n'allons pas à Lyon-Bron, l'aéroport d'affaires, mais à Saint-Exupery. C'est la piste 36 en service (face au nord, donc), mais Lyon nous propose gentiment de nous poser en 18 afin de gagner une bonne dizaine de minutes. La piste et son lièvre sont visibles de loin, je finis donc à vue, et je pose à peu près correctement l'avion sur la piste qui brille de mille feux. Roulage jusqu'à parking Golf, juste à côté de la caserne des pompiers. Il est 1 heure du matin.


Les médecins partis, je discute un bon moment avec mon captain. C'est notre premier vol ensemble, puisque que mon adaptation en ligne est terminée, et que je peux désormais voler avec deux des trois commandants de bord. Puis on sort les sac de couchage et on s'installe pour dormir un peu. 2h50, le téléphone sonne : les médecins sont en route avec leur glacière. Dès qu'on voit arriver au loin les véhicules, mon captain met en route le moteur droite tandis que j'attends les médecins devant la porte (située à gauche de l'avion). Dès qu'ils sont à bord, je referme la porte, vérifie qu'elle est correctement verrouillée, et vais me glisser sur mon siège.

- Lyon, bonsoir, IBJ220B, pour la mise en route
- Bonsoir, IBJ220B. Heuuu, vous allez au Bourget ?
- Oui, au Bourget !
- Mais... Le Bourget est fermé !!

Gnééé ? Comment ça, le Bourget est fermé ?

- Vous venez du Bourget ?
- Affirm Madame, on vient du Bourget, et on y retourne
- Mais vous en êtes partis à quelle heure ?
- 21h50 Zulu
- Je vous rappelle !

C'est la meilleure celle-là... On a un coeur à bord, et il faut, de toute façon, qu'on retourne à Paris ! Heureusement, la contrôleuse nous rappelle rapidement : c'est bon. Roulage jusqu'à la 18, et on redécolle. Il est 3h20. La contrôleuse nous autorise une direct sur OMAKO, à plus de 200 NM (370 km) de là.

- IBJ220B, avec Marseille sur Centre Trente Trois Cent Soixante Quinze
- 133,175, IBJ220B

Je change la fréquence, mais ça marche po. Je redemande à Lyon la fréquence, et elle me dit la même chose. Ya un truc, là...

- Vous confirmez, 133,175
- Affirm, Centre Trente Trois Cent Soixante Quinze, Unité Trois Zéro Trois Sept Cinq
- 130,375, IBJ220B

- Marseille, IBJ220B, bonjour, EVASAN en montée vers le niveau 180 sur OMAKO
- IBJ220B, vous êtes toujours avec Lyon, Marseille sur 130,375
- Mais je SUIS sur 130,375, Madame !
- Ho, pardon ! (rire charmant). C'est moi qui me suis trompée !

Bon, finalement, on finit par joindre Marseille, qui nous confirme la directe sur OMAKO, et ne nous dit plus rien jusqu'au moment de nous transférer sur Paris. Il faut dire que c'est calme, sur la fréquence. Sous nos ailes défilent les villes illuminées, on voit bien la grosse tache lumineuse que fait Dijon sur notre droite. Et au-dessus, on voit les étoiles...

On arrive sur Paris, et nous voilà sur la fréquence de De Gaulle.

- De Gaulle, IBJ220B, on serait preneur d'un raccourci vers l'ILS si possible

Le contrôleur nous fait prendre un cap plus à gauche, pour nous faire gagner quelques minutes. Sur la fréquence, on entend un autre IBJ, nos collègues qui viennent de décoller pour aller chercher un organe à Montpellier. Petit coucou avec l'autorisation du contrôleur. Au moment où ce dernier nous envoie sur le fréquence du Bourget, je le remercie : "Merci pour le raccourci, on a un coeur à bord, et les minutes gagnées sont appréciées !" Le contrôleur répond gentiment que c'est bien normal.

On se pose, les moteurs sont arrêtés, et les médecins nous disent au revoir et se hâtent vers l'ambulance qui va les emmener, avec leur précieux chargement, vers un hôpital parisien où un receveur doit déjà attendre, au bloc, le coeur qui va lui sauver la vie.

8 commentaires:

Khaelan a dit…

Tout d'abord, je voulais te féliciter pour ton blog. J'aime beaucoup et je le suis depuis plusieurs mois maintenant, même si c'est mon premier commentaire !

J'ai juste une question....Je ne suis pas pilote mais projète de l'être d'ici quelques années. Je voulais juste connaître la signification de "OMAKO" cela fait plusieurs fois que je le voit écrit dans tes articles.

Merci et profite bien de ces moments exceptionnels.

Khaelan

Fredo a dit…

Très sympa cet article !
Par contre, tu dois avoir un problème avec les " Cents " ? ^^
Je cite : " Centre Trente Trois Cent Soixante Quinze"

Okay, tu contactes Marseille CENTRE, mais c'est CENT TRENTE TROIS hahah :p
Bizzzz transporteur d'organes!

shred a dit…

t'as raté ta vocation ! t'aurais du faire ecrivain ;)

passiondesavions a dit…

Encore Merci Olivier, pour ce récit qui nous fait vivre ton vol et la saine collaboration qui existe entre pilotes et contrôleurs aériens

Arnaud a dit…

Très belle action et beau récit !
Vous avez combien de temps pour transférer l'organe que vous allez chercher ?

J'imagine que ça devait être un vol sous tension.
Félicitation !

Anonyme a dit…

Ce qui est cool c'est que tu es apte à faire le service après vente.

Si la personne fait un ACR, tu es
capable de faire une VA et RCP si besoin ^^

( Lexique : ACR : arrêt cardio respiratoire//VA : Ventilation artificielle//RCP : Réanimation cardio-pulmonnaire )

Adrian a dit…

Sympa le récit!
Shred--> Olivier est multitâche, il a écrit un livre aussi ;)

fiuuu a dit…

oliv c'est un grand homme multitache :)