Je termine à l'instant de lire "Dernier vol" (version française publiée par les éditions de la NRF en 1938), livre qui rassemble les notes écrites par Amelia Earhart pendant la préparation de son dernier grand raid, son tour du monde qu'elle avait quasiment terminé quand elle disparut dans le Pacifique.
Elle raconte le départ de Californie le 1er juin 1937, la traversée des Etats-Unis jusqu'à Miami, puis l'Amérique du Sud et la traversée de l'Atlantique Sud (en suivant l'itinéraire de l'Aéropostale), la traversée de l'Afrique, le Moyen-Orient, le sous-continent indien, l'Asie du sud-est, jusqu'à Lae, en Nouvelle-Guinée, où elle arrive le 29 juin avec son navigateur Fred Noonan, après avoir parcouru 35 000 kilomètres, soit les trois quarts du voyage. Le récit d'arrête là, et on connait la suite.
Dans son livre, Amélia évoque Phil Cooper, teinturier de New-York qui s'est occupé d'elle pendant des années. Après qu'elle eut réalisé, seule sa traversée de l'Atlantique, il lui écrivit une lettre contenant cette jolie formule (qui devait malheureusement ne pas se vérifier par la suite) : "Je savais que vous réussiriez, je n'ai jamais perdu un client."
Alors qu'elle commence le récit de la partie africain du tour du monde, Amelia Earhart se rappelle des récits de voyages qui la plongeaient dans l'émerveillement quand elle était petite fille, et aux jeux avec sa petite soeur et ses cousins, dans une vieille grange du Kansas, dans laquelle ils effectuaient des voyages imaginaires dans une vieille carriole :
"De bonne heure, nous découvrîmes les joies de la géographie. Les cartes de pays lointains qui tombaient entre nos mains venaient encore ajouter au plaisir que nous tirions de nos randonnées périlleuses dans l'antique carriole branlante. Voyager sur une carte va de pair avec les emplettes qu'on fait à travers la vitrine des boutiques. La carte d'Afrique était ma préférée. Le seul mot d'Afrique renfermait pour moi tous les mystères. Nous nous délections de noms tels que Sénégal, Tombouctou, Ngami, El Facher et Khartoum, nous pesions les avantages respectifs du Niger et du Nil, nous comparions la férocité des Touaregs et des Souahili. Aucun Livingstone, aucun Stanley ou Cecil Rhodes ne partirent en exploration avec plus d'enthousiasme que nous."
Ce plaisir de voyager en parcourant des cartes et en préparant une navigation, que tout pilote a connu, elle l'évoque aussi au tout début du livre, en expliquant qu'il lui fallut passer beaucoup de temps à chercher des cartes et de la documentation, et elle évoque ces longues heures passées sur les cartes :
"Ce nous fut une occupation à la fois instructive et absorbante que de passer notre temps en compagnie de toutes ces carte terrestres et marines. Mes connaissances, tout au moins théoriques, en géographie augmentaient de semaine en semaine. C'était déjà une aventure en soi-même que de traquer les moussons dans leurs repaires, d'évaluer les chutes de pluie aux Indes et les conditions de décollage des aéroports africains, tout cela assise au soleil sur la terrasse de ma demeure californienne. Un jour il me faudra décrire les joies des voyages effectués sur des cartes sans jamais bouger de son domicile."
En bonus, la dernière phrase en VO : "Some day I would like to write a piece about the fun of voyaging with maps - without ever leaving home."
A la fin du livre, après les dernières lignes écrites par Amelia Earhart, c'est son mari, George Putnam, qui reprend la plume pour nous livrer des extraits d'une lettre qu'Amelia lui écrivit avant de décoller pour son dernier vol : "Sache bien que je n'ignore aucun des dangers de ce vol. Je veux le faire... parce que je le veux. Les femmes doivent essayer de faire des choses que les hommes ont tenté. Lorsqu'elles échouent, leur échec ne doit être qu'un stimulant pour les autres."
En préambule du livre, Amelia Earhart écrit encore : "Les jeunes gens, et les vieux aussi, on peur des expériences ; ils ont peur de tenter même de petites aventures, et de franchir leurs petits Atlantique... Marchez, goûtez d'un métier qui vous intéresse, essayez de faire ce que vous faites avec plaisir, vous en avez tout le temps."
Et elle répond à ceux qui lui disent que survoler les mers est dangereux : "Oui, c'est certain ! Il est dangereux de prendre froid, de dormir et même de boire ; Mais je vous réponds que de ce buisson, le danger, je tire cette fleur : la sécurité de mon âme. Là est en effet la sécurité la plus profonde de notre coeur. Gardez-la trop étroitement, et, comme l'or caché, elle perd sa valeur. Mieux vaut pour vous suivre vos voix intérieures, vaillamment, avec courage !"
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