vendredi 8 juillet 2011

Un petit maillon de la chaîne

Samedi 26 juin, dans la soirée. Un des commandants de bord m'appelle : "Olivier, prépare toi, on va sans doute partir, et dormira à l'hôtel pour ne rentrer qu'en fin de matinée demain."

J'ai toujours au fond de mon sac de vol un boxer, une paire de chaussettes, ainsi que brosse à dents/dentifrice et de quoi me raser. Pas grand chose donc à préparer, je me contente de me tenir prêt. Un peu plus tard, nouveau coup de téléphone, et je file au Bourget où j'arrive à 22 heures.

Je fais la visite prévol de l'avion pendant qu'un pistard fait le plein. Quand il a fini, je récupère le bon de livraison, et m'assure que la cabine est propre et bien présentée. Je complète le catering pour que nos passagers aient de quoi boire (boissons chaudes, boissons froides) et de quoi manger. Un samedi soir, à cette heure, pas possible d'avoir des plateaux-repas, ils auront donc chacun un sandwich et une salade. Je charge tout ça dans l'avion.

Les médecins arrivent. Ils sont exceptionnellement nombreux : l'équipe fait pas moins de 6 personnes (habituellement, ils sont deux, parfois seulement un, très rarement trois). Et ils ont beaucoup plus de matériel que d'habitude. La soute est pleine à craquer, et la cabine aussi (même s'il reste encore trois sièges libres).

23h50, le captain enlève le frein de parc et je fais rouler le Beech vers la piste. 23h55, je pousse vers l'avant les deux manettes. 95 noeuds, le commandant annonce "V1, rotation !" et je tire sur le volant pour faire décoller le King Air, qui est quasiment à la masse max, soit 5,67 tonnes.

Grâce à notre statut d'Evasan, on a immédiatement des directes. Il est 0h55 quand je pose l'avion, et 1 heures du matin tout rond quand on arrive au parking. Pendant que l'équipe monte dans deux véhicules avec tout son matériel pour foncer vers l'hôpital, je conditionne l'avion, et on file à l'hôtel. Le prélèvement sera beaucoup plus long que d'habitude, et la durée précise de l'opération est la grande inconnue, donc, exceptionnellement, on dort dans un hôtel situé tout près de l'aéroport, plutôt que dans l'avion comme d'habitude.

8h30, le téléphone me tire du sommeil et du confortable lit d'hôtel. Décollage à 10 heures. J'ai bien dormi, et je rejoins mon captain pour un rapide petit déjeuner avant de foncer à l'aéroport. 9h30, tout est prêt, on n'attend plus que les médecins. Ils sont un peu en retard, et le temps de charger tout le matériel, dont la précieuse glacière, et tous les passagers, on quitte le bloc à 10h40.

On est dimanche, le grand ciel bleu et le beau soleil ont attiré pas mal de monde, et plusieurs avions légers sont en tour de piste. On n'est même pas les premiers au point d'arrêt, plusieurs monomoteurs sont devant nous. Tous ces pilotes profitent du beau temps et de leur passion, sans se douter de ce que transporte le King Air qui attend son tour pour décoller.

L'attente est heureusement courte, et nous sommes très vite en l'air et en route pour Paris. A 11h45, l'avion est au parking, et les médecins se précipitent vers leurs véhicules. Des motards de la gendarmerie les attendent pour les escorter vers l'hôpital Henri Mondor. Et hop, à Créteil !

Le temps de reconditionner l'avion, de faire les papiers, et j'arrive juste à temps pour l'apéritif et le déjeuner dominical en famille, sur la terrasse, pour profiter du beau temps.

8 juillet. En me levant, j'entends l'info : "Première greffe totale du visage en France". J'allume l'ordinateur pour vérifier. Les dates concordent. C'est bien le visage que j'ai transporté fin juin, et qui va changer la vie d'un homme de 35 ans qui était atteint du maladie génétique qui lui déformait le visage.

Voilà une journée qui commence bien ! Je suis content d'avoir modestement participé à cette première en faisant le livreur de ce nouveau visage. Nous sommes un maillon de la grande chaîne du don d'organes et de tissus. Un maillon tout petit, mais, comme tous les autres, un maillon indispensable pour que la chaîne existe. On fait quand même un beau métier !


Si ce n'est pas encore fait, pensez à parler à votre entourage de votre position sur le don d'organes. Et à demander à vos proches quelle est la leur. Et n'oubliez pas qu'une fois décédé, on n'a plus besoin de nos organes, alors qu'ils peuvent sauver des vies (et que, malheureusement, tous les ans en France, de trop nombreuses familles refusent le don d'organe, et qu'en conséquence, de trop nombreux malades meurent, faute d'organes disponibles pour une greffe).

Pour demander en ligne sa carte de donneur d'organes, c'est ici.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Super boulot !!! ;)
Savoir qu'on a aider et/ou sauver une personne grâce a un transport d'organe je trouve ça super ...