mardi 7 septembre 2010

Aller en Corse un jour de grève

Aujourd'hui, c'était grève nationale. Notamment chez les contrôleurs. Mais nous, on a un vol prévu. Mission : descendre jusqu'à Bastia pour y récupérer deux personnes en civière, et les ramener à Paris.

Départ prévu à 8 heures. Lever à 5h30, et à 6h10, j'arrive au Bourget. Le départ matinal m'a permis de ne pas avoir de problème de circulation malgré la grève (même si c'était plus chargé que d'habitude à cette heure).

On change la configuration de l'avion, en enlevant les deux sièges club pour installer à la place une civière (la deuxième sera installée sur la banquette). Dès l'arrivée du médecin et de l'infirmière, j'installe l'énorme bouteille d'oxygène sous la civière, je l'attache pour qu'elle ne bouge pas, et je mets en place des harnais pour que les personnes allongées puissent être attachées, comme tout passager.

7h55. L'ATIS indique que Le Bourget est fermé, et donne un numéro de fax pour les vols prioritaires (dont nous faisons partie puisque nous sommes EVASAN).

7h56. J'ai checké avec mon captain : nos opérations ont bien envoyé le fax, et il faut appeler un numéro de portable pour demander la clearance.

7h58. J'appelle, ça décroche.

- Bonjour, IBJ 107A EVASAN, pour la mise en route.
- Il faut appeler le chef de salle, attendez, je vous donne son numéro.

Je note le numéro.

8h00. J'appelle le deuxième numéro.

- Bonjour, IBJ 107A EVASAN, pour la mise en route.
- Ha mais il faut appeler la tour !
- On vient de me donner votre numéro ?
- Appelez la tour à la radio, un contrôleur vient d'arriver !

8h02. J'appelle la fréquence sol, et ça répond. On a la mise en route.

Le problème, c'est qu'entre 8h00 et 8h05, ce sont 6 avions qui ont demandé la mise en route, dès l'ouverture du terrain, et ça bouchonne sur les taxiways, c'est une file d'attente comme à Roissy, et comme je n'en ai jamais vu au Bourget !

Nous sommes trois avions à attendre pour pouvoir traverser la piste 27, et le contrôleur donne en rafale les trois clearances pour traverser. Puis à cinq reprises, demande à un avion de s'aligner en 25 après le départ du précédent. Une fois alignés, on attend une minute et demi l'autorisation de décollage, pour espacement avec le précédent. Et c'est parti.

Il y a un contrôleur sur la fréquence de Paris Info, et aussi sur Bordeaux et Marseille. Par contre, pas beaucoup d'avions en fréquence. Il fait pas beau, et on ne voit pas le sol pendant tout le trajet. On ne peut pas profiter de la vue de la côte d'Azur, et on ne voit pas plus la mer. Jusqu'à ce moment là :


C'est la troisième fois que je viens en Corse, trois fois en avion (deux en avion léger, et cette première fois pour le boulot), et c'est toujours un moment magique quand l'île de Beauté apparaît soudain avec ses montagnes.

Le vent est calme, et on fait la procédure pour la piste 34. Alors qu'on est en éloignement, le contrôleur nous signale que le vent se lève : 9 noeuds du 150°. Il nous propose de faire une manoeuvre à vue pour nous poser en 16. Je collationne l'info et lui dit qu'on le tient au courant. Mais mon captain est du même avis que moi : on est largement dans les tolérances concernant le vent arrière, la piste est longue, on est déjà en vue, donc on est opérationnels et on se pose avec le vent dans le cul.



Et nous voilà garés au pied de la tour.


On attendait deux ambulances, mais une seule est arrivée : l'autre est bloquée en ville par la manifestation ! Pendant que le médecin et l'infirmière partent chercher le premier patient, on déjeune, puis je discute avec un pilote privé local, en fin d'ATPL théorique. Je le fais asseoir en place droite. C'est toujours un plaisir de discuter avec des pilotes en cours de formation, au niveau de formation auquel j'étais il n'y a pas si longtemps, et leur montrer la place qui sera peut-être la leur dans pas très longtemps.

Sur le tarmac de Bastia, deux Canadair qui ont une particularité : ils sont encore motorisés par des moteurs à pistons, et non turbinisés comme les Canadair français. Ces deux là viennent d'Italie (zoom numérique donc photo de mauvaise qualité...).


A l'autre bout du parking Aviation Générale, les deux aéroclubs de la plate-forme, dont l'aéroclub Saint-Exupery. J'ai une pensée pour celui que Joseph Kessel a appelé "le plus grand poète de la chose ailée" qui, il y a 66 ans et quelques jours, décollait de ce même aérodrome pour son dernier vol.

Nous serons sans doute le seul avion commercial aujourd'hui à Bastia : tous les vols ont été annulés. On embarque nos deux patients et on repart. Pour le retour, on passe par l'Italie, avec une verticale de Turin, et par la Suisse, en survolant le lac Léman (qu'on ne verra pas, malheureusement). Dès qu'on est repassé en France, on a une directe sur OMAKO, situé juste à côté de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (et de la ZRT du même nom).


Retour au Bourget après un peu moins de 5 heures de vol. Rechangement de configuration, ménage, remplissage du catering, papiers, et je rentre vite à la maison pour éviter les embouteillages de cette fin de journée de grève...

1 commentaire:

clopino a dit…

comme toujours.. J'AIME!!!!!!!!!
MERCI ÉNORMÉMENT POUR CES RÉCITS!