mercredi 22 septembre 2010

Ho, nous, ça ne nous dérange pas !

4h00 du matin, sur un petit aérodrome du nord-est de la France. Les deux médecins viennent d'arriver au pied de l'avion. L'un d'eux m'aide à monter à bord, avec précaution, la lourde glacière métallique et son précieux chargement. Les deux médecins embarquent, et pour ne pas perdre de temps, mon captain met en route le moteur 2 (côté droit, donc) pendant que je ferme la porte (côté gauche).

Je vérifie les 5 témoins de la bonne fermeture de la porte. C'est important puisque, à la différence des portes des gros porteurs qui ne peuvent s'ouvrir accidentellement, celle du King Air s'ouvre vers l'extérieur, et pourrait donc se barrer, l'avion une fois pressurisé, si elle est mal fermée. Je remonte vers l'avant de la cabine, et assiste le captain pour le démarrage de la deuxième turbine. Puis je demande la mise en route à la tour. 10 secondes plus tard, nous roulons vers la piste, et quelques minutes après, nous sommes en l'air.

A l'aller, Le Bourget était en configuration face à l'est, ce qui était bien pratique, vu notre destination. Au retour, c'est toujours la même config, ce qui nous arrange moins. Ca va nous obliger à faire le tour de Paris, nous faisant perdre une bonne dizaine de minutes. Et étant donné la nature de notre chargement, tout minute de gagnée compte.

Je laisse la veille de la comm 1 à mon captain, qui est PF sur cette branche, et je passe sur la comm 2 :

- Le Bourget, IBJ122B, bonjour !
- IBJ122B bonjour
- IBJ122B, on est EVASAN avec un coeur à bord, est ce que vous pensez qu'il serait possible de se poser en 27 ?
- IBJ122A, il faudrait voir avec Roissy, mais ça risque d'être difficile, le doublet nord est fermé, et tous les départs se font du doublet sud, face à l'est
- On va voir avec eux, à tout à l'heure, IBJ122B


Je repasse sur la comm 1, nous sommes toujours avec Paris Info. Je leur pose la même question.

- Je vais demander à De Gaulle, je vous tiens au courant, IBJ122B
- Merci monsieur !

Quelques instants plus tard :

- IBJ122B, Paris Info, j'ai vu avec De Gaulle, je pense que ça ne va pas être possible, parce qu'il faudrait interrompre tous les départs, voyez avec eux sur XXX,XX

Je regarde mon captain, qui doit penser la même chose que moi, et je réponds :

- Ho, nous, ça ne nous dérange pas, IBJ122B

Avec un brin d'amusement dans la voix, le contrôleur répond :

- J'imagine, mais je pense que ça en gênerait d'autres !
- On passe avec De Gaulle sur XXX,XX, IBJ122B, merci et bonne fin de nuit !

Et je passe avec De Gaulle, qui m'envoie direct sur OMAKO et CLM, ce qui veut dire une procédure 07. Je redemande à tout hasard, mais on me fait la même réponse : "On devrait interrompre les départs, donc on ne peut pas le faire, même pour une EVASAN".

On l'a pourtant déjà fait, il y a peu, en revenant de la même destination avec un coeur à bord. Nous nous étions posés en 27 au Bourget, avec deux avions en finale face à l'est sur le doublet sud de Roissy. Il faisait le même temps que la nuit dernière (CAVOK), on avait annoncé le visuel des avions en finale sur Roissy, et tout s'était bien passé.

Et forcément, j'ai repensé à l'ancien récit de Danny à l'époque où il ne bloguait pas encore et où il faisait de l'Air Ambulance, récit dans lequel il racontait qu'alors qu'ils rapatriaient un patient qui était au plus mal, ils avaient été autorisé à se poser face aux départs (et pas les départs d'un aéroport à quelques NM à droite, non, face aux départs sur le MEME aéroport, descendant sous les montées initiales). Evidemment, c'est les Etats-Unis, c'est un autre monde. En pleine journée, je peux comprendre que c'est dificilé à gérer, mais à 5 heures du matin ?

Du coup, pour raccourcir et éviter de passer par OMAKO et CLM, j'ai demandé et obtenu une directe sur PG506. On termine en guidage radar pour l'ILS 07 au Bourget, guidage fait au plus court par De Gaulle pour nous faire gagner du temps. On passe au ras du périph et de l'héliport d'Issy les Moulineaux. A cette heure ci, ni Tour Eiffel illuminée, ni lasers...

Roulage rapide vers notre parking, on décharge et les médecins partent vers l'hôpital, dans leur voiture à girophare. Une heure tout rond bloc-bloc, 50 minutes en l'air. Grâce à la générosité d'un donneur et à l'efficacité de la chaîne du don d'organes, dont nous sommes un modeste mais indispensable maillon, quelqu'un, cette nuit, a reçu en cadeau un coeur tout neuf, et par la même occasion, une nouvelle vie !

6 commentaires:

Petit Cabri a dit…

Belle conclusion....

Unknown a dit…

super récit !. Félicitations pour votre action .

Oli a dit…

et je suppose que ça doit faire un bien fou de se sentir aussi utile ;-)

AeroPyrénées a dit…

Toujours un plaisir de lire vos aventures Olivier.

Aurélien a dit…

La différence entre contrôleurs français et américains est ENORME!!!! Traitant de ce sujet là, il y a les récits de Jacques Darolles sur pilotlist.org et en bouquin aussi! A lire absolument!

didairbus a dit…

Quel magnifique recit et bravo pour tout ce que vous faites.

Didier