Ce 30 mars 2012, ça fait deux ans, jour pour jour, que j'ai effectué mon premier vol commercial comme copilote sur Beech 200. C'est l'occasion de faire un premier bilan.
Il y a deux ans, j'avais 620 heures de vol (J'en avais 360 en juin 2008, quand je me suis lancé dans l'ATPL théorique), j'en ai 1 628 aujourd'hui, soit un peu plus de 1000 heures en 24 mois.
Sur le plan pro : pendant ces deux ans, j'ai effectué 600 vols et 800 heures (dont un peu plus de 500 de jour, et un peu moins de 300 de nuit) en place droite d'un des deux Beech 200 de ma boîte. J'ai volé avec 9 commandants de bord et je me suis posé sur 95 aérodromes différents dans 12 pays.
Au cours de plus d'une centaine de vols d'organes, j'ai transporté environ 200 médecins, et (à quelques unités près, j'en ai sans doute oublié quelques uns) : un pancréas, un intestin, 11 reins, 16 coeurs, 23 paires de poumons, 75 foies. Et, au cours du transport "organe" dont je suis le plus fier, un visage. C'était en juin 2011, pour la première mondiale du professeur Lantieri qui a greffé un visage complet, y compris les paupières et le système lacrymal.
Je n'ai pas le compte exact des personnes transportées en rapatriement sanitaires, ni en passagers, mais ça en fait un paquet aussi.
Les points positifs :
- J'ai trouvé un boulot, et rapidement (6 mois après la fin de mon CPL/IR, 4 mois et demi après la fin de mon stage FI). C'est un gros point positif, quand on voit le nombre de personnes qui n'en trouvent pas.
- Je fais un métier que je ne pensais pas pouvoir faire quand j'étais lycéen, moi qui était trop myope pour les critères médicaux de l'époque, et qui était un littéraire (bac éco) assez mauvais en maths et encore moins bon en physique. Un métier qui, la plupart du temps, ne me donne pas vraiment l'impression de bosser quand je suis au boulot, avec un bureau qui est le plus beau du monde, et une vue, de la fenêtre, qui change tout le temps !
- Je pilote une machine très sympa, excellente étape entre les bimoteurs légers de la formation IFR et les avions JAR25. Le King Air est une super machine, qui se pilote, très maniable, qui se pose partout. Le turboprop permet de faire des arrivées rapides et opérationnelles et de réduire très tard en finale.
- Une super ambiance de travail. Je m'entends très bien avec les quatre commandants de bord principaux avec lesquels j'ai volé (près de 700 heures sur les 800). L'ambiance dans le cockpit est sérieuse, mais aussi très détendue, et c'est bien agréable. C'est sans doute une des choses qui me manquera le plus quand je changerai de compagnie.
- Etre basé sur le plus gros aéroport d'aviation d'affaires d'Europe, le premier aéroport commercial de Paris avant la création d'Orly, puis de Roissy. Un terrain mythique depuis que Charles Lindbergh s'y est posé après sa traversée de l'Atlantique. Et de voler dans un environnement aéronautique chargé, celui de la région parisienne, avec les aéroports de Roissy, Orly, Le Bourget, Villacoublay, et le trafic de la dizaine d'aérodromes de la région.
- Faire des opérations variées : transport d'organes, rapatriement sanitaires, transport de fret, transport de VIP (chefs d'entreprises, sportifs, ministres…) et se poser sur des aérodromes et aéroports très variés, du petit terrain avec un agent AFIS au gros aéroport international avec jusqu'à 6 pistes comme à Amsterdam.
- Faire des vols EVASAN (rapatriement, et surtout transport d'organes) qui nous permettent d'avoir des directes hallucinantes (du style directe Marseille 3 minutes après un décollage du Bourget), mais aussi de faire des approches qui ne seraient pas toujours possibles sinon. Les meilleurs exemples étant les arrivées à vue sur la piste 03 du Bourget (interdites, sauf aux EVASAN), ou la possibilité donnée par De Gaulle de faire un demi-tour juste après le décollage quand on décolle face à l'ouest et qu'on part à l'est (ou vice versa). Ce sont des autorisations exceptionnelles, que je ne retrouverai jamais plus tard.
Les points négatifs :
- Le plus gros, c'est clairement le salaire. 1 500 euros net, quel que soit le nombre d'heures de vol dans le mois, que ce soit en semaine, le WE, de jour, de nuit, ou les jours fériés. Il est difficile d'estimer quel est le "bon" salaire pour un métier donné, mais je pense que c'est très faible par rapport aux responsabilités et au coût de la formation.
- J'ai dû me payer ma QT : 11 000 euros (à mettre en rapport avec le point négatif précédent, il faut donc compter 7 mois et demi de salaire complet pour la rentabiliser, sans compter les éventuels intérêts de prêt bancaire).
- Les astreintes et les horaires : astreinte 24 heures sur 24, 6 jours sur 8. Un vol organe se décide au dernier moment, donc on est appelé 1h30 avant le décollage, il faut être au Bourget en 30 minutes, ce qui limite les déplacements, surtout aux heures des bouchons. On est souvent appelé au téléphone en pleine nuit, ou alors juste au moment où on s'apprêtait à se coucher, bien crevé après une bonne journée… C'est un rythme pas facile, et ça limite la vie sociale…
- Le manque d'évolution dans ma compagnie, dû au faible dynamisme (c'est rien de le dire) du marché du travail. Les quatre commandants de bord Beech avec lesquels j'ai volé sont passés en place gauche après un an à 18 mois environ comme copilote. J'en suis à 2 ans, et mon collègue copi arrivé avant moi en est à deux ans et demi. Et nous ne pouvons pas passer commandant de bord (alors que nous en avons les capacités) parce qu'il n'y a pas de départs dans la boîte… Sans départs, pas d'avancement.