dimanche 20 février 2011

Un ami sur la fréquence et une météo pourrie à l'arrivée

Quand le téléphone sonne à 00h37, tout en tendant la main vers la table de nuit pour l'attraper, je me dis que la nuit va être longue. Mon commandant de bord m'indique qu'on décolle à 2 heures pour Montpellier.

Avant de me lever, brève réflexion pour rassembler mes esprits et estimer combien de temps j'ai dormi. Je me rappelle avoir vu qu'il était 00H15 sur le réveil. Ha oui, effectivement, je ne me serais pas reposé très longtemps !

Hier soir, j'étais à un repas de l'Amicale France DC3 où (comme dans tous les bons coups aéros) j'ai retrouvé plusieurs amis. Après le repas, comme souvent après un dîner de pilotes, la conversation s'est prolongée sur le trottoir, et il était près de minuit quand je suis arrivé à la maison.

Je me lève donc, enfile mon uniforme, et 5 minutes après me voilà en route pour Le Bourget. A cette heure, il est facile de s'y garer, ce qui n'est pas du tout le cas en journée, l'aéroport étant alors une fourmilière. Passager au PIF, prévol de l'avion, vérification du catering, briefing avec mon CDB. Il fait grand beau temps à Montpellier et sur la route. Je fais l'aller.

Décollage face à l'est, départ M0N0T 1J. Le contrôleur de De Gaulle nous accorde rapidement une directe vers M0N0T, et la montée se fait rapidement aussi. On passe avec Paris Info, qui nous envoie vers notre niveau de croisière, le 250. Puis la radio se tait. Au bout d'un moment, mon commandant me dit "C'est super calme à la radio !" Et il ajoute avec un grand sourire : "Ou alors, c'est notre radio qui est cassée !" Il appuie sur l'alternat :

- Paris Info, IBJ118A, pour essai radio ?
- IBJ118A, je vous reçois 5
- Ha bah notre radio marche bien alors !
- Oui, c'est très calme !
- Ne nous dites quand même pas qu'on est le seul avion sur la fréquence ?

Quelques minutes après, un autre avion arrive sur la fréquence, en descente vers Paris et vers Le Bourget. Un avion avec un call sign bien connu. J'appelle le contrôleur :

- Paris Info, IBJ218A ?
- Allez y !
- Est ce qu'il serait possible de passer un rapide message au XXX ?
- Ho, allez y, il n'y a que vous deux sur la fréquence !
- Merci ! XXX, est ce que par hasard il y aurait Y. à bord ?

La voix à la radio change, et c'est Y. qui me répond :

- Oui, salut Olivier, ça va ?
- Salut Y. ! Ca va, on descend sur Montpellier
- Bon courage alors !

On se souhaite bon vol, et le silence revient sur la fréquence.

Comme je l'ai déjà raconté sur le blog, ce n'est pas le première fois que je croise un copain en fréquence en général, et ce n'est pas non plus une première depuis que le ciel est devenu mon bureau. Celle-ci me fait bien plaisir, car Y. est un ami qui a joué un rôle dans la reconversion qui m'a emmené là où je suis aujourd'hui.

Quand j'ai pris ma décision, c'est lui que j'ai sollicité en premier pour avoir un avis de pro, comme je le racontais dans le deuxième billet de ce blog, en juin 2008. Et je l'ai ensuite embêté à chacune des étapes, de l'ATPL théorique à la QT an passant par le CPL/IR et la MCC. Il a été un soutien de poids, d'où mon plaisir à le croiser cette nuit en fréquence, moi en place droite de mon King Air, lui en place droite de son gros business jet.

Après un vol sans histoire, et quelques négociations avec le contrôleur qui ne voulait pas qu'on atterrisse sur la 13L, je pose l'avion à Montpellier (sur la 13L, non mais !) Deux heures et demie (et deux heures de sommeil) plus tard, les chirurgiens nous appellent pour nous signaler qu'ils sont là dans 20 minutes.

Petit point météo, et on constate que les METAR en région parisienne sont beaucoup moins sympas que ne le laissaient envisager les TAF… Sur Metmap, les terrains les plus proches de Paris qui ne sont pas indiqués en conditions "IFR très intensif" sont Vatry et Le Havre ! Pas vraiment pratique pour faire arriver rapidement jusqu'à son destinataire l'organe que nous transportons !



On part. Je suis PM sur cette branche, et dès qu'on commence à recevoir les ATIS de la région parisienne, je commence à noircir mon log.

Le Bourget : sur le papier, ça ne passe pas : OVC002 (face à l'est, il nous faut 430 pieds).
Roissy : BKN000, donc on oublie.
Orly : Ca peut éventuellement passer en dégagement
Toussus, Villacoublay : on oublie
Pontoise est en auto-info jusqu'à 9 heures.
Reste Beauvais, qui devrait être possible

On discute de la stratégie, et mon CDB fait son briefing : on fait une tentative au Bourget. En cas de remise des gaz, je tenterai de négocier un ILS 27 (c'est loin d'être gagné avec Roissy face à l'est, parce que de ce côté là, 200 pieds de plafond, ça passe en théorie). Sinon, on déroute sur Orly.

Je continue à prendre les ATIS dont plusieurs ont été mis à jour depuis tout à l'heure. La carte "Orly" est abandonnée, la vis s'est pétée la gueule, ça ne passe plus pour nous. Donc tentative en 07 au Bourget, néo pour la 27 en cas de remise des gaz. Et si ils ne veulent pas, j'appellerai le handling après la remise des gaz pour leur demander d'expédier rapidos la voiture du service Greffes à Beauvais.

Après OMAKO, on file sur le VOR de Coulommiers, puis on s'éloigne sur la radiale 276 de CLM. Puis un guidage radar par Roissy nous amène sur l'ILS 07 du Bourget. 500 avant, on est en IMC. 400 avant, pareil. 300 avant, même chose. 200 avant, on commence à voir le sol en dessous, mais devant, rien. 100 avant, on voit toujours un peu de sol. Altitude de décision, et la rampe de la 07 me saute à la gueule.

- J'ai la piste en vue !
- On poursuit !

C'était vraiment tout juste… A cause de travaux sur les taxiways, on ne peut dégager la piste 07 qu'en toute fin de bande. Comme on n'a pas besoin de toute la longueur, on négocie en général avec la tour pour pouvoir dégager via la piste 03-21. Mais aujourd'hui, on avait autre chose à faire, donc mon captain pose long pour éviter de rouler sur deux kilomètres de piste, et on dégage en bout de bande.

Arrivés au parking, les médecins sont contents d'être à Paris et non à Beauvais et filent sur l'hôpital avec leur précieux chargement. Je pense à mon pote qui a subi cette même greffe, et qui a démarré une nouvelle vie, dans des conditions de confort qu'il n'avait jamais connu jusque là, depuis ce jour...

9h30, j'arrive chez moi et je file au lit, pour commencer ma vraie "nuit".

mercredi 16 février 2011

Mon Laguiole, cadeau de fin d'ATPL...

En février 2009, avec un peu d'avance, je décidais de m'offrir un cadeau pour mon ATPL théorique, en décidant de ne pas l'ouvrir avant d'avoir passé le dernier certif. Le 31 mars, en rentrant de Bruxelles où je venais de valider les deux derniers certificats, mon colis m'attendait à la maison.

Il s'agit d'un couteau Laguiole, dans son étui en cuir contenant également un fusil à aiguiser.


Il ne s'agit pas de n'importe quel Laguiole. Pour cette série limitée à 2 000 exemplaires, le manche du couteau est blanc, et la lame est fabriquée... dans un morceau de Concorde, acheté aux enchères par le fabriquant du couteau.


Une fois ouvert, le couteau rappelle la ligne d'un des plus beaux avions jamais construits :



Sur la lame de mon couteau sont gravés 5 lettres et 8 chiffres : F-BVFB et 31/05/2003. L'immatriculation du Concorde à bord duquel j'ai volé, et la date du vol. C'était à l'occasion du tout dernier vol commercial d'un Concorde d'Air France.

Je viens de publier sur le blog le récit que j'en avais fait à l'époque, avec pas mal de photos.

mardi 1 février 2011

Cap sur l'Afrique !

Dans le cadre de ses activités, ma compagnie couvre la France et l'Europe, mais aussi l'Afrique du Nord. Depuis mon arrivée, je n'avais pas encore eu l'occasion de profiter d'une mission vers le Maghreb. Jusqu'au mois dernier.

Décollage matinal du Bourget, et cap vers le sud. Je passe mon iPhone à mon captain pour qu'il puisse photographier le soleil qui se lève sur la gauche de l'avion. On ne se lasse jamais de regarder l'astre solaire apparaître au-dessus de l'horizon dans un festival de couleurs chaudes, du jaune au rouge en passant par toutes les nuances d'orange...


Peu de temps après, alors qu'on a eu une directe sur le VOR d'Agen, je shoote le GPS, en regrettant de ne pas l'avoir fait une minute plus tôt, alors qu'on était encore à 900 NM (1 667 km) de notre destination... On n'est pas rendus !


On poursuit notre petit bonhomme de chemin vers l'Espagne, et nous finissons par arriver sur les Pyrénées. Grosse interrogation avec mon captain : Ca va passer ou pas ? Grâce à un instrument extrêmement sophistiqué (le pouce tendu droit devant nous), nous confrontons le résultat de nos observations respectives, et estimons que oui, ça devrait passer (mais sans en être sûr à 100%...)


Ouf, c'est passé ! On poursuit notre route au-dessus de l'Espagne, ses paysages arides et ses innombrables éoliennes. Et voici enfin la mer !


Après une couverte traversée, apparaît la terre marocaine, et donc le continent Africain...


Je me rappelle très bien la première fois où j'ai aperçu l'Afrique. C'était en Cessna 172, en mai 2003, lors de notre traversée au large de Gibraltar. J'avais ressenti une excitation toute particulière, et les souvenirs de mes lectures d'enfant, de livres d'aventures africaines, m'étaient revenus. J'y étais retourné l'année suivante pendant le rallye Toulouse-Saint Louis du Sénégal.

"Ca fait 6 ans et demi que je n'avais pas mis les pieds sur le continent africain", dis-je à mon commandant de bord. Je le vois compter sur ses doigts, puis faire un grand sourire et me dire : "Ha bah moi, ça fait 17 jours !" Pffff... :-)

Après la côte, on survole la partie orientale du Rif, cette chaîne de montagnes qui traverse le nord du Maroc.


Après la montagne, voici les plaines cultivées. Le nord du Maroc est extrêmement vert, et c'est une fois passé Agadir, en route vers le sud, qu'il devient de plus en plus désertique. Mais aujourd'hui, nous n'irons pas si loin vers le désert.


Il fait un temps superbe, et j'effectue donc une approche à vue. On passe à la verticale du lac formé après la construction du barrage Idriss 1er, en 1973, pour arriver en base éloignée. Virage à droite, et me voilà en longue finale 27. Après l'atterrissage, on va se garer au pied de la tour, toute blanche mis à part la vigie vitrée. Le parking est désert, nous sommes le seul avion (Fès est pourtant le deuxième ville marocaine en terme de population).


On va jusqu'à l'aérogare. Devant l'aéroport, passe un bus aux couleurs de la RATF (Sans doute la régie autonome des transports de Fès !)


Après deux heures sur place, c'est reparti ! Dès la clearance initiale, on est autorisé à monter à notre niveau de croisière, le FL270 (8 230 mètres). On repasse au-dessus du lac, puis on survole le Rif, et revoici la Méditerranée.


L'Espagne file sous nos ailes, et nous abordons à nouveau les Pyrénées, cette fois avec une belle lumière de fin de journée qui éclaire partiellement les sommets, me permettant de faire cette jolie photo :


Puis le soleil se couche, toujours sur notre gauche (bah oui, on a fait un 180° depuis ce matin !) et je confie donc à nouveau mon iPhone à mon captain pour qu'il prenne quelques photos de son côté :




Un peu après Toulouse, on a obtenu une directe vers BALOD, notre IAF. Et pendant la descente, on a une vitesse sol pas trop inintéressante (352 noeuds, soit plus de 650 km/h).


Malgré le vent de travers, mon captain fait un kiss sur la piste 27 du Bourget, et c'est sous la pluie qu'on arrive au parking. Le grand ciel bleu et les 18° de Fès sont déjà loin !


Au total, pas loin de 9 heures de vol dans la journée. Avec 4h30 de vol bloc-bloc à l'aller, je bats mon record du vol le plus long en King Air (qui était de 3h55 sur le vol Poitiers-Katowice, en Pologne, en juillet dernier). Je n'ai par contre pas battu (mais égalisé) mon record du vol le plus long, puisque j'avais également fait un vol de 4h30 en 2004.

C'était aussi sur la route du Maroc, puisque c'était la première étape du Toulouse-Saint Louis, en Cessna 172, entre Toulouse et Alicante (Ya pas à dire, le Beech 200 est plus rapide, puisque pour la même durée, il est parti de bien plus au nord et est allé bien plus au sud ! :-) ).


En rouge, la branche aller, et en bleu le vol retour.