vendredi 27 août 2010

Une longue journée...

L'autre soir, le téléphone sonne.

- Salut Olivier, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, tu veux laquelle en premier ?
- La mauvaise
- La mauvaise, c'est que demain, on va être en retard pour ton barbecue.
- J'espère que la bonne rattrape la mauvaise ?
- Ho oui !! La bonne, c'est qu'on va faire une belle balade !

Le lendemain, décollage matinal du Bourget, face à l'ouest. Nous passons verticale de la ville de Versailles, en laissant le parc du château et le terrain de Saint-Cyr, puis celui de Toussus sur notre droite. Direction le sud-est en surfant entre deux couches de nuages...


Nous sommes en EVASAN, donc comme d'hab je négocie une directe, et très rapidement on est clearé sur l'IAF de notre terrain de destination, à plus de 400 NM de là. Nous passons à l'est de Nevers. Nous voilà au FL280, notre niveau de croisière, avec une altitude-cabine d'un peu plus de 7000 pieds. Sous notre aile droite défilent Roanne, Saint-Etienne puis Valence. A l'arrière, le médecin et l'infirmière dorment. Au bout d'une heure de vol, les Alpes apparaissent sur notre gauche. Des nuages y remplissent les vallées.


Et c'est déjà l'heure de commencer la descente. Nous laissons Sisteron et Dignes-les-bains sur notre droite. Voici la Méditerranée. Passage verticale du lac de Saint-Croix, puis à l'ouest de Draguignan. On distingue le golfe de Saint-Tropez et le célèbre port. Guidage radar, et nous voici sur la mer, établis sur l'ILS de Cannes. Le terrain est caché derrière les nuages, alors qu'il n'y en avait pas un seul un peu plus à l'ouest, vers Saint Trop.


On gare le Beech à côté d'un Learjet, et on attend l'ambulance qui nous amène notre première patiente de la journée. Un jeune pilote du forum des pilotes privés nous attend sur le tarmac. Pendant que mon captain emmène les médecins dans l'aérogare, je le fais monter dans le King Air.


Une fois la civière chargée, je passe PF, et c'est parti. Direction le nord ouest. A nouveau les Alpes et quelques sommets ornés de neiges éternelles, cette fois sous notre aile droite.


Nous passons entre Valence et Montélimar, puis au-dessus du Puy-en-Velay, d'Ussel, de Limoges. Notre route passe ensuite au sud de Poitiers, sur Cholet, au nord de Nantes. Plus on avance vers la Bretagne, plus le ciel se couvre, et bientôt, sous nos ailes, la couche est soudée. On passe sur Pontivy qu'on ne voit pas, puis sur Carhaix, et nous voilà sur l'ILS de Brest. L'ATIS donnait BKN003 (nuages fragmentés à 300 pieds, soit 90 mètres), et la dernière info donne OVC002 (couvert à 200 pieds, 60 mètres). 200 pieds, c'est justement notre hauteur de décision.

Nous briefons soigneusement la remise de gaz, et c'est parti, je descends l'ILS à la main. Il y a un sérieux vent de la gauche, et je dois prendre une sacrée dérive pour rester sur le loc. Bien secondé par mon captain, j'arrive tant bien que mal à rester sur l'ILS, et aux minimas, la rampe nous saute à la figure. Je dis "piste en vue", et mon CDB, moqueur, me dit "Non, on ne voit pas la piste, on voit la rampe". Et c'est vrai que la piste n'est pas encore visible.

J'annonce qu'on poursuit. Maintenant, il va falloir que je pose correctement le Beech sur la piste détrempée, sous la pluie, avec un vent de travers bien sympathique. J'arrive à faire un bel atterrissage, dont je suis le premier surpris... Je ne mets pas de reverse, me contentant de passer en bêta. La piste est longue, inutile de s'exciter sur les reverses au risque de faire de l'aquaplanning. On se gare à côté d'un B1900 d'AAA.


Une ambulance vient chercher la patiente, et on nous emmène en voiture jusqu'à l'aérogare. Ce n'est pas très loin, mais vu ce qu'il tombe, ce n'est pas plus mal de ne pas y aller à pieds. Le temps de faire le plein et de payer les taxes, et nous sommes repartis. Mon captain fait décoller le Beech, et nous sommes aussitôt avalés par la couche. Dont nous mettons un certain temps à sortir.

Virage droite après le décollage, et nous quittons les côtes françaises en survolant la presque-île Saint-Marguerite, la ville de Poulloc et le fort du même nom. Nous laissons sur notre droite le phare de l'île vierge, et prenons un cap nord-ouest, puisque nous allons en Irlande. Ensuite, nous ne survolons plus grand chose, si ce n'est beaucoup d'eau. C'est en effet une longue traversée maritime qui nous attend, au-dessus de la mer Celtique. Notre route passe sur le VOR anglais de LND, qui répond au joli nom de Lands End, le Finistère anglais. Il est situé fort logiquement sur la pointe de la Cornouailles.

Pour faire une photo, on passe le GPS en mode "North Up", et on croirait presque regarder la route sur un écran LCD dans un long courrier ! :-)


On maudit un peu la météo, car la couche soudée ne nous permet pas de voir la Cournouaille. On ne verra pas plus la mer pendant tout le temps de la traversée, et ce n'est que sur le GPS qu'on voit arriver la côte irlandaise. On passe verticale de Cork, et on poursuit vers le nord-ouest et vers notre terrain de destination, l'aéroport international de Kerry, situé dans le comté du même nom.

London Control nous fait descendre jusqu'au niveau 65 (qui n'est pas un niveau de vol IFR, mais ils ne peuvent pas nous faire descendre plus bas) puis nous bascule sur la fréquence de Kerry, sur laquelle le contrôleur a un bel accent irish. C'est au moment où on intercepte le loc que les nuages se déchirent et qu'on voit pour la première voir la verte terre irlandaise.


J'ai rappelé le contrôleur de Kerry pour lui dire : "Localizer established"et il a répondu : "Call back breaking". On rappellera au break, alors ! L'arrivée se termine en effet par une manoeuvre à vue libre. 45° à droite pour aller récupérer la vent arrière. Un tour de piste, pas très haut, qui me permet de bien profiter de la vue et de prendre des photos. Le paysage est typique de l'Irlande...


En vent arrière, on voit loin devant la mer, et plus exactement Dingle Bay, une baie de 40 kilomètres de long sur 3 à 20 km de large.


Et nous voilà en finale. Sur la gauche, on distingue l'ancienne piste, plus étroite et moins longue, et aujourd'hui fermée. Mon captain arrête le Beech en moins de 600 mètres, et fait un 180° pour remonter la piste.


Le parking du petit terrain est désert, notre avion est le seul. L'ambulance est bien jaune, avec heureusement un peu de vert, Irlande oblige !


Le médecin et l'infirmière partent cherche le deuxième patient à l'hôpital, et après avoir mis nos "high vis jackets", indispensables chez nos amis anglo-saxons, nous allons visiter l'aérogare surmontée de sa tour typiquement anglaise.


Nous sommes de retour à l'avion juste pour voir arriver un 737 de Ryanair.


Les médecins reviennent avec leur patient, et je reprends les commandes pour remettre le cap sur la France. Notre route passe à nouveau sur Cork, puis un peu plus à l'est qu'à l'aller. On a à peine passé la côte irlandaise que London Control nous donne déjà un cap direct vers LHO, notre destination. Nous passons à la limite des eaux de la mer Celtique et du canal Saint-Georges, qui sépare l'Irlande du Pays de Galles, puis abordons les côtes anglaises pour survoler le Devon. On passe verticale d'Exeter où, voici encore/déjà un an, j'allais faire des ILS pendant ma formation IFR à Bristol, et voici à nouveau la Manche. A gauche de l'avion, SAM, le VOR de Southampton.


La météo au Havre est bonne : 2 500 pieds de plafond. Je propose à mon captain de faire une approche à vue, plutôt que de se taper toute la procédure. On sort en effet de la couche vers 2 500 pieds, et on a une belle vue sur les falaises au nord du Havre. Base main droite, passage sur le NDB LHO (pour Le Havre Octeville), finale, et je pose le Beech sur la piste 23.


Mon CDB est PF sur la dernière branche, qui nous ramène au Bourget. On se pose face à l'ouest, et il faut donc faire tout le tour de Paris, en passant au nord de Creil pour contourner CDG et aller intercepter l'ILS 27 au nord de Meaux. A moins de quatre nautiques du seuil du Bourget, je sens que le contrôleur de De Gaulle ne pense plus à nous, et je lui rappelle où on est. Il nous bascule sur la fréquence du Bourget en s'excusant de nous avoir oubliés. Le temps de dire au revoir, de contacter la tour et de recevoir notre clearance d'atterrissage, nous voilà en courte finale.

Une grosse journée avec 5 étapes, quatre nouveaux terrains (en King Air) pour moi, et près de 4 000 kilomètres parcourus en 9h30 de vol...


(Mon traceur GPS a perdu le signal entre Le Havre et Le Bourget, le tracé de cette branche n'est donc pas bon, nous avons fait le tour de Paris pour aller chercher l'ILS 27).

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme dab, c'est super ;) . Un coup dans le sud, un autre en Ireland dans la même journée ... Super taf !!

Albé a dit…

LE jour ou tu ne ferra ple d'EVASAN il va falloir être plus ferme en négociation pour les directs ! Super récit

A+

Albé

Tony a dit…

Salut Olivier!

Je viens de terminer de parcourir tout ton blog et je suis vraiment impressionné.
Je viens d'ouvrir tout récemment mon blog mais il n'est pas aussi rempli que le tiens, je n'ai à mon actif que 2 petites heures de vol en Rallye à Toussus pour le moment..!

En tout cas, superbe récit!
Bon vol!

Thomas a dit…

Si tu passes par Toulouse, fais signe!
J'échange une visite des chaines d'assemblage contre un tour dans le cockpit du King Air!

Coni a dit…

Toujours autant de plaisir à te lire..!! have a nice flight

Adrian a dit…

Récit très sympa, comme d'habitude!

fiuuu a dit…

super ce voyage mais certainement eprouvant vu la duree
pour un neophyte , le pilote negocie sa route ?????

LJ35 a dit…

Merci pour les compliments !

fiuuu > Par défaut, on suit la route correspondant au plan de vol déposé. Mais pendant le vol, les contrôleurs peuvent nous donner des directes, et on peut aussi en demander. Elles sont très facilement accordées aux vols EVASAN (rapatriement sanitaire et transport d'organes) qui sont prioritaires.